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Bonjour Dr Pierre Costes. En tant que secrétaire général de Datasanté et chargé de mission francophonie de MG France, vous avez présenté le  projet DATASANTEMALI porté  par SANTESUD  au 11 Forum mondial Convergences de Paris dans le cadre des partenariats innovants pour un monde équitable et durable. Comment cela s’est il passé ?

PC : En effet le projet DATASANTEMALI a été retenu par le jury comme finaliste à l’issue d’une sélection rigoureuse étalée sur plusieurs mois. Ce qui nous a donné l’occasion de présenter au 11ème Forum Mondial, en live, le projet son histoire et son devenir. Au sein des 8 présentations, DATASANTEMALI était le seul alliant NTIC et Santé en Afrique. Pas de prix certes, tous attribués à des projets relatifs à l’environnement et la recherche, mais une belle audience.

Q : Parlez nous des acteurs de ce projet.

PC : DATASANTEMALI, c’est d’abord l’histoire d’une rencontre. Rencontre entre  l’Association des médecins de campagne du Mali (AMC) qui regroupe plus de 200 médecins généralistes de campagne, l’association de solidarité internationale (ASI) SANTESUD très impliquée dans la médicalisation de la première ligne notamment au Mali depuis plus de 20 ans et DATASANTE ONG  proche de MG France, qui est spécialisée dans les nouvelles technologies appliquées à la santé en Afrique. Et c’est l’Agence Française de Développement (AFD) qui a permis de  transformer le rêve en réalité.

Q : Mais pourquoi  se lancer dans une telle aventure des Nouvelles Technologies  dans des dispensaires de brousse qui le plus souvent ne disposent pas d’électricité, pas d’eau courante, et encore moins d’accès à l’internet ?

PC : En fait personne n’imagine la contrainte administrative qui pèse sur les médecins et leurs équipes en zone rurale.  Alors qu’ils ne disposent pas de dossier médical, les soignants sont soumis à la tenue de multiples registres, mains courantes et rapports qui comptabilisent les activités.

Beaucoup de leur temps est consacré à la tenue de ces registres. Registre de consultation des soins curatif, registre des vaccinations, registre des accouchements, du planning familial et de la contraception, des consultations prénatales … Sans parler des registres  spécifiques à chaque programme. Paludisme, tuberculose, HIV, malnutrition modérée, malnutrition sévère…   Registres qu’il faut en plus compiler chaque mois dans un rapport aux multiples tableaux comptabilisant plus d’un demi-millier d’indicateurs.

Au Mali le Dr Konaté, médecin du Centre de santé de Fama dans la région de Sikasso par exemple nous confiait qu’il devait se cacher durant 3 jours, chaque mois, pour effectuer crayon à papier et gomme à la main  les totalisations nécessaires à l’établissement de son rapport à destination des autorités sanitaires.

 Empilement donc  de registres et de rapports mais absence de dossier personnel de santé permettant de suivre  la personne, les mamans, les enfants, les adultes chroniques et ainsi d’améliorer la qualité des soins.

Q : Beaucoup de travail en effet, et pas plus de qualité dites-vous. Plutôt moins à venir car la pression paperassière va en augmentant avec à chaque nouveau programme sanitaire national ou international son nouveau registre et son nouveau rapport. Alors comment avez-vous fait pour  alléger le travail administratif, libérer du temps et améliorer la qualité des soins pour chaque patient ?

PC : C’est en observant les pratiques sur le terrain que  l’idée du dossier médical  s’est imposée comme incontournable. Dossier qui soit un dossier partagé entre les différents acteurs du centre de santé pour un meilleur travail d’équipe centré sur la personne.

Q : Datasantémali c’est donc d’abord un outil au service des professionnels, chacun dans son activité ?

PC : Oui tout à fait surtout quand plusieurs professionnels exercent dans le même centre. La matrone ou la sage femme pour le suivi de la femme, contraception, grossesse accouchement, l’agent vaccinateur pour la gestion de ses rappels, la personne chargée du suivi de la nutrition avec des courbes individuelles de croissances et bien évidement le médecin ou l’infirmier pour les pathologies aigues ou chroniques…

Q : Data un outil pour les professionnels centré sur le patient ?

PC : En effet, un seul dossier par personne auquel chacun accède dans la partie qui le concerne. Le médecin assurant la coordination de l’ensemble. Et quand le médecin est seul ou presque dans son centre, toutes ces fonctions lui sont évidemment accessibles simultanément.

Q : Donc le soignant soigne, et le calculateur calcule ?

PC : Exactement.  L’ordinateur calcule avec des algorithmes adaptés au pays. Notamment pour la compilation en un seul clic des données nécessaires au relevé épidémiologique par genre et par tranche âge, ou la totalisation des actions de vaccination, de nutrition et autres données à destination du système d’information sanitaire. Le fameux Rapport Mensuel d’Activité qui pèse si  lourdement sur les professionnels au détriment du temps consacré à la personne.

Q : Quel équipement en pratique ?

PC : En pratique, cela veut dire un Serveur alimenté en photovoltaique, des antennes pour le wifi local, des tablettes pour les soignants et un logiciel spécifique, intuitif et robuste donnant accès au Dossier Médical Partagé, le cœur du système.

Mais qui dit serveur, ordinateur ou tablette dit aussi possibilité d’accès à la formation et à l’information. Chacun sait bien que dans une tablette ou un smartphone, on peut mettre des centaines de documents, images ou vidéos.

Q : Datasantémali est donc un système global !

PC : Oui un système global en quatre grandes fonctions. Dossier patient, documentation résidente, communication, compilation des données pour intégration dans le système d’information sanitaire font un tout. A ce jour, simplement au Mali, 15 centres sont équipés, les plus anciens depuis 2 ans, les derniers en juin 2017 et plus de 100 000 dossiers ont déjà été ouverts.

Q : Quel avenir pour aller plus loin dans ce projet ?

Aller plus loin et offrir le dossier médical partagé aux structures de soins de première ligne est notre objectif. Principe d’un dossier devenant incontournable du fait de la transition épidémiologique avec prise en charge des maladies chroniques en  Afrique. En effet comment prendre en charge une épilepsie, pathologie souvent considérée comme une possession maléfique, si le médecin ne connait pas l’histoire des premières années de l’enfant. « L’accouchement a-t-il été traumatique, l’enfant a-t-il déjà fait un paludisme neurologique, a-t-il été victime d’un accident  dans le passé, a t’il déjà fait des convulsions » ? Et comment suivre l’efficacité d’un traitement si on ne garde pas la trace de la prescription, de la délivrance et des résultats sur la pathologie concernée ?

Sans dossier médical personnel, nous l’affirmons avec force, aucune prise en charge de qualité des maladies chroniques ne sera possible en Afrique.

Et sans informatisation des dossiers,  il sera tout aussi impossible au médecin de suivre les 15 ou 20000 personnes relevant de son aire de santé.

Q : Quelles conditions sont alors  nécessaires pour ouvrir le DMP dans les régions rurales sans infrastructures et sans grands moyens financiers ?

PC : Pour aller plus loin dans les régions rurales sans infrastructures nous devons diminuer encore la consommation électrique, alléger au maximum la maintenance et réduire les couts. Concrètement l’équipe DATASANTE travaille d’arrache pied sur un système économique, frugal en énergie et en maintenance qui devra pourtant offrir les mêmes potentialités que le système et ses 100 000 dossiers déjà installé au Mali. « Mini système, mini conso, mais il doit faire le maximum »  pour parodier un slogan bien connu des années 80. Ce système est construit autour de la DATASANTEBOX, serveur web intranet de la taille d’une grosse boite d’allumette, disposant d’un wifi intégré, lui-même alimenté en USB 5 volts en connexion directe à un panneau photovoltaïque autonome et mobile. Ce système accompagné de tablettes connectées  est appelé à équiper les centre de santé isolés, notamment à  Madagascar en remplacement du système monoposte sur PC initié en  2010 dans le réseau DATASANTEMADA

Q : Un nouveau chantier pour Santésud et Datasanté ?

PC : Plus qu’un nouveau chantier, nous agissons en une pleine continuité des technologies de l’information et de la communication, les fameuses TIC. La santé en Afrique chemine à grande vitesse vers une santé connectée, sautant toutes les étapes intermédiaires que le nord a connues. Pour le plus grand bénéfice de la santé, notamment maternelle et infantile qui en a grand besoin.

 

 

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