Madagascar

Les accouchements dystociques

Introduction

L'accouchement dystocique est une situation où le travail et/ou l'accouchement ne progressent pas normalement, présentant des difficultés qui nécessitent une intervention. Comprendre et gérer ces complications est crucial pour les médecins en zone de brousse, afin de réduire la morbidité et la mortalité maternelle et néonatale.

I. Définition et Intérêt du Guide de Gestion de Travail d’accouchement (GGTA)

Le GGTA est un outil essentiel dans le suivi du travail.

· Importance du Suivi Systématique et de la Documentation :

      • Le partogramme (Guide de Gestion du Travail d'Accouchement) fournit un cadre pour un suivi horaire rigoureux de la progression du travail et des paramètres maternels et fœtaux.
         
      • Il est essentiel d'enregistrer de manière exhaustive toutes les observations (heure, rupture des membranes, facteurs de risque, paramètres du bébé, paramètres de la femme, progression du travail, médicaments administrés). Cette documentation est cruciale pour le suivi et en cas de transfert.

· Surveillance du Fœtus :

      • Fréquence Cardiaque Fœtale (RCF) : Apprendre à surveiller la RCF de base et à détecter les anomalies (inférieure à 110 battements/minute ou supérieure à 160 battements/minute) qui indiquent une souffrance fœtale.
         
      • Liquide Amniotique : Observer la couleur et la quantité (clair, méconial, teinté de sang). Un liquide teinté (M++, S) est un signe d'alerte.
         
      • Moulage de la Tête Fœtale : Évaluer le degré de chevauchement des os du crâne (M+, M++, M+++) comme indicateur de disproportion céphalo-pelvienne potentielle.

· Surveillance Maternelle

      • Pouls et Tension Artérielle (TA) : Surveiller étroitement ces signes vitaux pour détecter rapidement une déshydratation, une hémorragie ou une pré-éclampsie (pouls >120, TA systolique <90 ou >160, TA diastolique >90).
         
      • Température : Détecter une fièvre (>37,5°C) qui peut indiquer une infection maternelle.
         
      • Urines : Surveiller les signes d'infection urinaire (P++) ou de déshydratation (A++).
         
      • Contractions Utérines : Évaluer leur fréquence (nombre par 10 minutes) et leur durée (en secondes) pour juger de l'efficacité du travail. Des contractions insuffisantes (<2/10 min) ou excessives (>5/10 min) sont des signes d'alerte.

· Évaluation de la Progression du Travail :

      • Dilatation Cervicale : Suivre la progression de la dilatation du col en centimètres sur le partogramme. La "ligne d'alerte" et la "ligne d'action" pour la dilatation sont des repères critiques pour identifier un ralentissement ou un arrêt de la dilatation (moins de 1 cm/heure en phase active).
         
      • Descente de la Présentation : Évaluer la descente de la tête fœtale dans le bassin maternel. Une non-progression est un signe d'alerte.· Gestion Pharmacologique et Hydratation :
         
      • Enregistrer et suivre l'administration d'ocytocine (UI/L, gouttes/min) pour l'augmentation du travail, et les liquides intraveineux (IV) pour l'hydratation et le maintien de la volémie.

- Prise de Décision et Alerte :

      • Comprendre l'importance de la "Ligne d'alerte" : "ENREGISTRER TOUTE OBSERVATION QUI RÉPOND AUX CRITÈRES DANS LA COLONNE "ALERTE", ALERTER LA SAGE-FEMME SENIOR OU LE MÉDECIN ET NOTER L'ÉVALUATION FAITE ET L'ACTION DÉCIDÉE". Cela signifie qu'à chaque fois qu'un paramètre atteint ou dépasse le seuil d'alerte, une évaluation immédiate et une décision doivent être prises et documentées.
      • Savoir quand référer : L'instruction "SI LE TRAVAIL SE PROLONGE AU-DELÀ DE 12H, VEUILLEZ CONSIDÉRER L'ORIENTATION VERS UN ÉTABLISSEMENT DE SOINS PLUS ÉLEVÉ" est fondamentale pour les médecins en zone rurale. Elle souligne la nécessité de reconnaître les limites de la prise en charge sur place et d'organiser un transfert vers une structure plus équipée en cas de travail prolongé ou de complications.

Ces points permettent aux médecins de maîtriser la surveillance de l'accouchement, de reconnaître les signes de complications (dystocie, souffrance fœtale, hémorragie, infection) et de prendre des décisions éclairées, y compris celle de la référence, pour assurer la sécurité de la mère et du nouveau-né.

II. Les Causes Générales des Dystocies (Les 4 "P")

L'évaluation des "4 P" permet de trouver la cause d'une dystocie lorsque la dilatation est stationnaire, qui n'est pas une cause en soi mais une conséquence d'une anomalie sous-jacente.

    1. La Patiente :
      o Fatigue.
      o Douleur et anxiété ou peur.
      o Vessie pleine.
      o Déshydratation.
      o Autres problèmes de santé.
       
    2. Le Passager (Fœtus) :
      o Présentation autre que le sommet en position occipitale antérieure (par exemple, siège, transverse).
      o Macrosomie (bébé de grande taille).
      o Anomalie fœtale.
      o Grossesse gémellaire.
       
    3. Le Passage (Bassin) :
      o Anomalies du bassin maternel (taille, forme, inclinaison).
      o Disproportion fœto-pelvienne (DCP), résultant d'une inadéquation entre la grandeur/forme/configuration de la tête fœtale et la grandeur/architecture/forme du bassin.
       
    4. La Puissance Contractile (Contractions Utérines) :o Hypocinésie : insuffisance de l'activité utérine.
      o Contractions insuffisantes (durent moins de 40 secondes, moins de trois en 10 minutes).
      o Contractions inefficaces.
       

III. Types Spécifiques d'Urgences Obstétricales et Prise en Charge

Le module sur les urgences obstétricales détaille plusieurs types de dystocies et leurs gestions spécifiques.

1. Dystocie des Épaules :

o Définition : La tête fœtale est dégagée, mais les épaules sont enclavées et ne peuvent pas être dégagées.
o Signe Clinique Évocateur : Le signe de la « tortue », caractérisé par la rétraction du menton du bébé après le dégagement de la tête.
o Prise en Charge (Techniques) :
· Appeler à l'aide et ne pas paniquer.
· Réaliser une épisiotomie si nécessaire.
· Manœuvre de McRoberts : Remonter les genoux de la mère le plus haut possible sur sa poitrine, soulever les jambes et effectuer une rotation externe.
· Appliquer une pression sus-pubienne avec la paume de la main.
· Exercer une traction ferme et continue sur la tête fœtale, sans tirer excessivement pour éviter les traumatismes du plexus brachial.
· Exercer une pression sur l'épaule antérieure en direction du sternum fœtal.
· Envisager de fracturer la clavicule ou de placer la patiente en position "4 pattes" en dernier recours.

2. Procidence du Cordon Omilical :

o Définition : Chute du cordon devant la présentation après la rupture des membranes, perçue au toucher vaginal.
o Prévention : Respecter la technique de rupture artificielle des membranes (vérifier l'absence de procubitus, ne pas faire une rupture large, percer à la partie postérieure de la poche des eaux pendant les contractions, temporiser la sortie du liquide).
o Prise en Charge (Techniques) : Dépend du stade du travail et du battement du cordon.
· Si au premier stade du travail :
· Empêcher la présentation d'exercer une pression sur le cordon (par exemple, en position genu-pectorale).
· Déplacer manuellement la présentation ou remplir la vessie avec 300 ml de SSI.
· Référer à un établissement SONUC (Soins Obstétricaux et Néonatals d'Urgence Complets) pour césarienne.
· Envisager, si possible, d'injecter 0.5 mg de salbutamol en IVD lente.
· Si au deuxième stade du travail :· Réaliser une épisiotomie et une extraction par ventouse obstétricale ou par forceps.
· En cas de présentation du siège, procéder à une grande extraction du siège.
· Toujours être prêt à réanimer le nouveau-né.

3. Accouchement par le Siège :

o Définition : Présentation où le fœtus se présente par les fesses ou les pieds.
o Conditions pour l'accouchement par voie basse :
· Siège complet ou décomplété.
· Bassin cliniquement satisfaisant.
· Pas d'antécédent de césarienne pour disproportion céphalo-pelvienne (DCP).
· Fœtus ne dépassant pas 3,5 kg.
o Principes de la Technique :
· Lorsque la vulve se distend, réaliser une épisiotomie si nécessaire.
· « Ne touchez pas au siège » : Laisser l'accouchement se dérouler sans manipulation jusqu'à ce que les omoplates du fœtus soient visibles.
o Manœuvres (si nécessaires) :
· Dégagement des jambes et des pieds : Saisir délicatement les fesses sans tirer, puis dégager les jambes une à une.
· Dégagement des bras : Laisser les bras se dégager spontanément. Si non, utiliser la manœuvre de Lovset en cas de relèvement des bras.
· Dégagement de la tête : Utiliser la manœuvre de Mauriceau-Smellie-Veit (placer l'index et l'annulaire sur les pommettes du bébé, l'autre main sur les épaules, soulever le bébé jusqu'à dégagement du nez et de la bouche) ou la manœuvre de Bracht.

4. Grossesse Gémellaire :

o Préalables : Installer une voie veineuse et vérifier la présentation du premier fœtus.
o Gestion : Laisser un clamp sur le cordon du premier bébé et ne pas procéder à la délivrance avant la naissance du second.
· Accouchement du premier bébé : Procéder selon la présentation (sommet : accouchement normal ; siège : protocole du siège ; épaule : référer pour césarienne).
· Accouchement du second bébé : Immédiatement déterminer la position, l'état des membranes et la présence de procidence.
· Accélérer le travail avec de l'ocytocine si nécessaire.
· Si présentation céphalique engagée : rompre les membranes si intactes et faire accoucher par voie basse.
· Si présentation du siège ou transverse : extraction du siège après rupture des membranes ou version podalique interne si transverse.
· Effectuer la Gestion Active de la Troisième Période de l'Accouchement (GATPA) après la naissance du deuxième bébé.

Conclusion
Les accouchements dystociques sont des situations complexes qui exigent une identification rapide et une prise en charge adéquate et immédiate. La maîtrise de l'utilisation du partogramme pour une surveillance continue et la connaissance des manœuvres spécifiques pour chaque type de dystocie sont fondamentales. En cas de difficultés ou de non-progression, le référencement vers un établissement spécialisé est une composante vitale des soins pour assurer la survie de la mère et du nouveau-né.

Dr Haingo RAZAFIMANJATO